Ce matin, je feuilletais mon livre des tapisseries de
William Morris. D’habitude, j’aime observer les détails de chaque motif et les
dessiner de mes yeux, m’inspirer des couleurs m’évoquant les forêts et les
contes médiévaux.
Quand j’ai découvert et commencé à aimer l’art contemporain
vers mes dix huit ans, je m’étais éloignée de la forme décorative, la trouvant
trop futile, j’avais besoin que la forme soit prétexte à la pensée. J’avais
besoin de m’éloigner du « beau » car je trouvais ça trop dépassé, pas
assez « fort ».
Aujourd’hui, je suis beaucoup plus attentive à la forme
décorative, le détail, la frise, la répétition, la ritournelle, le mouvement,
le rythme,… En regardant les tapisseries de William Morris, je voyais
aujourd’hui des mantras, des formes dynamiques, des sceaux, des mandalas, des
supports visuels de méditation, des entrelacs vers des états modifiés de
conscience. Je n’ignore pas que William Morris ait étudié les objets, les
formes dans une volonté d’ouverture spirituelle, même si c’est paradoxalement
ses voyages vers les églises et cathédrales du nord de la France qui lui enleva
sa vocation première de clergyman. Ce précurseur du design, socialiste, voulait
que les objets du quotidien amène l’homme à se libérer de son aliénation
industrielle.
J’entends beaucoup de personnes se plaindre de Le Corbusier,
dont j’arrive à apprécier la marque dans l’histoire des arts appliqués.
Pourtant ces mêmes personnes ne renoncent pas à la mode du Ripolin, à celle des
intérieurs peint d’une même teinte dite « neutre », quand il ne
s’agit pas de blanc clinique. Beaucoup se sont tellement conditionné à ce
retour de mode dans les années 80 que tout ce qui est tapisserie leur parait
« bizarre », « différent », « osé ». Le blanc
uni, blanc cassé pour faire moins salissant est devenu une norme. Une
« mode » qui est même passé dans les églises il y a des siècles
effaçant leur magnifique caractère polychrome.
J’entends bien qu’un carré blanc sur fond blanc ait remplacé
les icônes de dévotion méditatives au coin des maisons russes, qu’il y ait
besoin de « changement », d’une remise à zéro d’après guerre, mais
j’aime aussi balader mon esprit dans des formes labyrinthesques répétitives,
qui certes ne remplaceront jamais la Nature, mais représente une certaine
écriture énigmatique échappant quelque fois à la conscience.